Le double champion du monde de l’américaine et champion du monde de la course scratch m’a accordé en exclusivité une interview sur son entrainement.
Comment s’organise ta saison (périodes de préparation, compétition, coupure…) ?
Pour préparer des épreuves comme la poursuite par équipe et l’américaine, un gros travail de fond est effectué de mai à juillet, puis nous participons à quelques petites courses dès la fin du mois d’août en vue d’être bien dès les premières grosses compétitions qui débutent souvent fin octobre, début novembre. La saison s’étale généralement entre le mois de novembre, avec les premières Coupes du Monde, et le mois de mars, où a lieu les Championnats du Monde. L’enchaînement des compétitions et les décalages horaires liés aux voyages aux quatre coins du monde est assez fatiguant et ne permet pas de s’entraîner énormément, il faut d’avantage penser à récupérer afin de pouvoir tenir jusqu’à la fin de la saison. La période de coupure se déroule après les Championnats du Monde, c’est à dire lors du mois d’avril. Lors de cette période je laisse vraiment le temps à mon organisme de récupérer, je ne coupe pas pendant un nombre de jours précis, cela dépend vraiment de mes sensations. Pour en revenir à la planification de la saison, 2008 devrait être un peu particulier puisque les JO de Pékin auront lieu pour nous du 15 au 19 août. Il va donc falloir refaire du jus après les championnats du monde de Manchester afin d’aborder cet évènement dans les meilleures conditions.
L’hiver à Grenoble est souvent rude, pratiques-tu d’autres activités sportives pendant cette période ?
Non, pas spécialement. Je pratique le vélo sous d’autres formes avec de petites séances de 45 minutes à 1 heure maxi de home-trainer avec mon vélo de piste. Je me suis aussi mis depuis quelques temps au vélo de spinning, le matériel est fiable, bien adapté et affiche un tas de données, notamment la puissance développée. De plus l’appareil propose différentes séances pré-programmées, cela permet de s’entraîner de manière ludique.
Les méthodes d’entraînement ont-elles évolué depuis le début de ta carrière ?
Pas spécialement en ce qui concerne l’entraînement, hormis le fait que nous nous entraînons beaucoup plus en force, en général nous mettons plus gros et le travail de la force est plus important à l’entraînement qu’il y a quelques années. Par contre beaucoup de progrès ont été effectué en ce qui concerne le matériel. Les vélos sont plus légers et plus rigides, ils ont un meilleur rendement qu’auparavant ; de plus l’utilisation de matériel de mesure de la puissance s’est beaucoup développé.
Justement, avec quels outils d’entraînement t’entraînes-tu ?
Depuis quelques années le capteur de puissance est devenu l’outil de mesure numéro un. L’utilisation de la fréquence cardiaque par l’intermédiaire du cardiofréquencemètre est intéressante mais fluctue beaucoup en fonction de divers paramètres (fatigue, température, humidité…), alors qu’avec un capteur de puissance il n’y a plus ce problème là, pour un effort identique effectué dans différentes conditions la puissance donnée sera la même ! Sur piste cela fait maintenant 6 ans que nous utilisons le SRM, par contre sur route nos vélos sont équipés de Powertap depuis environ 3 ans. C’est vraiment du matériel qui est devenu indispensable à haut niveau.
Combien d’heures d’entraînement effectues-tu en période de préparation ?
Entre 20 et 25 heures, voire jusqu’à 30 heures lors des grosses semaines d’entraînement. Mais un nombre d’heures précis est difficile à comptabiliser compte tenu que les séances sur piste sont composées d’effort brefs avec souvent pas mal de temps de récupération entre chaque effort, ce n’est pas comme sur la route où lors d’une sortie de 4 heures tu passes réellement 4 heures sur le vélo.
La musculation occupe-t-elle une part importante dans ton programme d’entraînement ?
Au début de ma carrière j’en faisais pas mal, maintenant beaucoup moins. En salle je travaille beaucoup les abdos et les lombaires, sinon j‘effectue davantage de la musculation spécifique sur le vélo. Sur route par exemple je monte les bosses assis avec un gros développement, cela permet de travailler la force en gardant le geste spécifique du pédalage. Sur piste, l’entraînement va plus être axé sur du travail explosif, avec des séances de départs arrêtés par exemple. Quand je m’entraînai en salle il fallait jongler entre la presse et le home-trainer, ce n’était pas évident.
Que penses-tu de l’éléctrostimulation ?
Personnellement je l’utilise uniquement pour la récupération ou pour la rééducation, suite à une blessure.
En général, comment s’organise ta préparation lors des dernières semaines avant un objectif ?
Souvent je participe avec l’équipe de France sur piste à 1 ou 2 courses sur route par étapes le mois précédant l’objectif, puis un stage de 3 à 10 jours a lieu avec tout le collectif juste avant la compétition. Lors de ce stage les charges de travail sont assez élevées, nous nous entraînons 2 fois par jours, sur route et sur piste. C’est aussi l’occasion de se retrouver tous ensemble afin de travailler la technique et de récupérer les automatismes. Cela est très important en poursuite par équipe par exemple, et le fait de ne se voir entre coureurs que très peu lors de la saison en dehors de ces stages est parfois difficile à gérer, cela ne nous laisse que très peu de temps pour travailler ensemble la technique spécifique à cette discipline. Enfin, les 2 jours précédents la compétition sont axés sur la récupération, sans oublier le déblocage la veille de la course.
Quels sont tes prochains objectifs ?
Faire de bons résultats sur les Coupes du monde dans le but d’accrocher une sélection pour les JO de Pékin. Je vais particulièrement me concentrer sur la poursuite par équipe ainsi que l’américaine.
Si tu avais un conseil à donner aux jeunes cyclistes qui veulent progresser…
Ne jamais baisser les bras, persévérer et insister même si parfois les résultats ne sont pas au rendez-vous. On ne peut pas être toujours au top et il est important d’apprendre à gérer sa forme en se donnant des périodes de récupération.
Jérôme Neuville en bref
- Né le 15 août 1975 à Saint-Martin d’Hères (38).
- Professionnel sur route dans l’équipe Crédit Agricole de 1999 à 2001 puis chez Cofidis en 2002.
- 3 sélections aux Jeux Olympiques (Atlanta, Sydney et Athènes).
- Champion du Monde de la course scratch en 2006 à Bordeaux.
- Champion du Monde de l’américaine (avec Robert Sassone) en 2002.
- Champion du Monde de l’américaine (avec Frank Perque) et 4ème de la poursuite individuelle et par équipe en 2001 à Anvers.
- Vainqueur de la 2ème manche de Coupe du Monde en 2007 lors de l’épreuve de la course à l’américaine (avec Christophe Riblon) à Pékin.
- 2ème du Championnat du Monde de poursuite par équipe en 1999 à Berlin.
- 3ème des Championnats du Monde de poursuite par équipe en 1997 à Perth, en 2000 à Manchester et en 2003 à Stuttgart.
- 4ème des Jeux Olympiques de Sydney (2000) en poursuite par équipe.
- Vainqueur de l’Open des Nations à 4 reprises, en participant à la course à l’américaine, puis à la course aux points, en 1997, 1998, 1999 et 2002.
- Champion d’Europe de l’omnium en 1996 et 1997.
- Champion de France de poursuite en 2001 et 2003.
- Champion de France de course à l’américaine en 1997, 1999, 2003 et 2005.
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